Le
Parnasse est tout d’abord le lieu symbolique de la poésie. C’est une montagne
de la Phocide à deux cimes, séjour d'Apollon et des Muses. Par la suite,
Mouvement littéraire français de la deuxième moitié du XIXe siècle qui, en
réaction contre le romantisme et influencé par le positivisme, publia une
poésie très intellectuelle dans la revue le Parnasse
contemporain.
Le Mont Parnasse |
Il
s’agit d’un groupe de poètes qui réagissent contre au Romantisme, et lui
opposent l’impersonnalité, une poésie d’une forme très travaillée et un
détachement absolu du poète face à la politique et la société en général. A
l’image de la Révolution de 1848, à laquelle participera activement Lamartine
(ministre des affaires étrangères), et de l’utilitarisme (Bentham, Mill) chez
leurs voisins d’outre-manche, les parnassiens vont préférer l’inutilité de
l’art : ils nommeront cela « L’art
pour l’art ».
Ces
auteurs, dont les noms les plus connus sont Théophile Gautier, Leconte de
Lisle, José-Maria de Hérédia, Théodore de Banville et d’autres encore, vont
alors user d’images et de symboles souvent repris : la statue, de
nombreuses références à la mythologie, les montagnes, les étoiles, etc.
En vérité, il y a de quoi rire
d'un pied en carré, en entendant disserter messieurs les utilitaires
républicains ou saint-simoniens. ― Je voudrais bien savoir d'abord ce que veut
dire précisément ce grand flandrin de substantif dont ils truffent
quotidiennement le vide de leurs colonnes, et qui leur sert de schiboleth et de
terme sacramentel. ― Utilité : quel est ce mot, et à quoi s'applique-t-il ?
Il y a deux sortes d'utilité,
et le sens de ce vocable n'est jamais que relatif. Ce qui est utile pour l'un
ne l'est pas pour l'autre. Vous êtes savetier, je suis poète. ― Il est utile
pour moi que mon premier vers rime avec mon second. ― Un dictionnaire de rimes
m'est d'une grande utilité ; vous n'en avez que faire pour carreler une vieille
paire de bottes, et il est juste de dire qu'un tranchet ne me servirait pas à
grand-chose pour faire une ode. ― Après cela, vous objecterez qu'un savetier est
bien au-dessus d'un poète, et que l'on se passe mieux de l'un que de l'autre.
Sans prétendre rabaisser l'illustre profession de savetier, que j'honore à
l'égal de la profession de monarque constitutionnel, j'avouerai humblement que
j'aimerais mieux avoir mon soulier décousu que mon vers mal rimé, et que je me
passerais plus volontiers de bottes que de poèmes. Ne sortant presque jamais et
marchant plus habilement par la tête que par les pieds, j'use moins de
chaussures qu'un républicain vertueux qui ne fait que courir d'un ministère à
l'autre pour se faire jeter quelque place.
Je sais qu'il y en a qui
préfèrent les moulins aux églises, et le pain du corps à celui de l'âme. A
ceux-là, je n'ai rien à leur dire. Ils méritent d'être économistes dans ce
monde, et aussi dans l'autre.
Y a-t-il quelque chose
d'absolument utile sur cette terre et dans cette vie où nous sommes ? D'abord,
il est très peu utile que nous soyons sur terre et que nous vivions. Je défie
le plus savant de la bande de dire à quoi nous servons, si ce n'est à ne pas
nous abonner au Constitutionnel ni à aucune espèce de journal
quelconque.
Ensuite,
l'utilité de notre existence admise a priori, quelles sont les choses
réellement utiles pour la soutenir ? De la soupe et un morceau de viande deux
fois par jour, c'est tout ce qu'il faut pour se remplir le ventre, dans la
stricte acception du mot. L'homme, à qui un cercueil de deux pieds de large sur
six de long suffit et au-delà après sa mort, n'a pas besoin dans sa vie de
beaucoup plus de place. Un cube creux de sept à huit pieds dans tous les sens,
avec un trou pour respirer, une seule alvéole de la ruche, il n'en faut pas
plus pour le loger et empêcher qu'il ne lui pleuve sur le dos. Une couverture,
roulée convena-blement autour du corps, le défendra aussi bien et mieux contre
le froid que le frac de Staub le plus élégant et le mieux coupé.
Avec cela, il pourra subsister
à la lettre. On dit bien qu'on peut vivre avec 25 sous par jour ; mais
s'empêcher de mourir, ce n'est pas vivre ; et je ne vois pas en quoi une ville
organisée utilitairement serait plus agréable à habiter que le Père-la-Chaise.
Rien de ce qui est beau n'est
indispensable à la vie. ― On supprimerait les fleurs, le monde n'en souffrirait
pas matériellement ; qui voudrait cependant qu'il n'y eût plus de fleurs ? Je
renoncerais plutôt aux pommes de terre qu'aux roses, et je crois qu'il n'y a
qu'un utilitaire au monde capable d'arracher une plate-bande de tulipes pour y
planter des choux.
A quoi sert la beauté des
femmes ? Pourvu qu'une femme soit médicalement bien conformée, en état de faire
des enfants, elle sera toujours assez bonne pour des économistes.
A quoi bon la musique ? à quoi
bon la peinture ? Qui aurait la folie de préférer Mozart à M. Carrel, et
Michel-Ange à l'inventeur de la moutarde blanche ? Il n'y a de vraiment beau
que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c'est
l'expression de quelque besoin, et ceux de l'homme sont ignobles et dégoûtants,
comme sa pauvre et infirme nature. ― L'endroit le plus utile d'une maison, ce
sont les latrines. Moi, n'en déplaise à ces messieurs, je suis de ceux pour qui
le superflu est le nécessaire, ― et j'aime mieux les choses et les gens en
raison inverse des services qu'ils me rendent. Je préfère à certain vase qui me
sert un vase chinois, semé de dragons et de mandarins, qui ne me sert pas du
tout, et celui de mes talents que j'estime le plus est de ne pas deviner les
logogriphes et les charades.
Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, extrait de la
préface, 1835
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